La Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique s’est jointe le 8 novembre 2014 à Addis-Abeba à de hautes personnalités du monde des affaires lors d’une table ronde visant à constituer un fonds d’urgence pour aider les pays frappés par l’épidémie d’Ebola. La rencontre tenue au centre de conférences de l’Union africaine a réuni cette dernière, la Banque africaine de développement, la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, des fondations, des organisations non-gouvernementales et de grandes entreprises d’Afrique déterminées à conjuguer leurs efforts pour mettre en place et appuyer un mécanismes de financement afin de faire face à l’épidémie d’Ebola et ses conséquences.
Des promesses de contributions de 28,5 millions de dollars ont été obtenues auprès des firmes et particuliers présents en vue de déployer au moins 1000 travailleurs de la santé en Guinée, Sierra Leone et Libéria. Ces ressources seront mises à disposition dans le cadre de l’appui de l’Union africaine contre l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest (ASEOWA), en collaboration étroite avec les comités nationaux des pays affectés et la Mission des Nations Unies pour l’action d’urgence contre l’Ebola (UNMEER). Les ressources mobilisées iront à un programme à long terme destiné à renforcer les capacités de l’Afrique à faire face à de telles épidémies à l’avenir.
La mission confiée à l’ACBF par les pays africains et leurs partenaires bilatéraux et multilatéraux est de renforcer des capacités humaines et institutionnelles durables pour la bonne gouvernance et la gestion du développement en Afrique. La Fondation considère l’épidémie d’Ebola – tout comme le paludisme, le VIH/Sida, le tabagisme – d’abord comme une menace aux capacités renforcées par les pays africains avec son appui au cours des 23 années écoulées. Ensuite, comme une des manifestations des défis de capacités auxquels le continent est encore confronté malgré les efforts déjà consentis.
L’apparition d’Ebola a eu un impact négatif sur la réalisation de certaines initiatives appuyées par l’ACBF en Afrique de l’Ouest, notamment les projets régionaux et ceux exécutés dans les pays affectés. Les programmes les plus concernés sont le renforcement des capacités institutionnelles du projet du Fonds de développement de la femme africaine (AWEDF), le projet de renforcement des capacités de l’Institut monétaire ouest africain (CAP–WAMI), le programme de formation en gestion des politiques économiques de l’université du Ghana, le programme de formation en gestion du secteur public (PSMTP–GIMPA), le projet de renforcement des capacités de l’Institut national d’études législatives (NILS–CAP), le projet de renforcement des capacités du Parlement de Sierra Leone (SL–CAP), le projet de renforcement des capacités du Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (CODESRIA), le programme de renforcement des capacités de l’Institut ouest africain de gestion financière et économique (WAIFEM CBP). Cette situation aura des effets négatifs sur les résultats de renforcement des capacités et le niveau de décaissements à ces projets/programmes à hauteur de 6,6 millions de dollars pour l’année 2014.
Depuis sa création en 1991 et grâce au soutien de ses pays membres africains et leurs partenaires au développement bilatéraux et multilatéraux, l’ACBF, première institution de renforcement des capacités de l’Afrique, a été déterminante dans l’appui à la formulation et la mise en œuvre de politiques, le développement des compétences et la promotion du dialogue des politiques entre les gouvernements et les acteurs non étatiques dans la grande majorité des pays du continent. L’opinion largement partagée dans la communauté de développement est que l’ACBF a apporté une contribution décisive à l’amélioration de l’environnement macro-économique de l’Afrique, ce qui a ouvert la voie à la croissance économique soutenue constatée dans bon nombre de pays africains au cours des dix dernières années. La Fondation a pu atteindre ces résultats impressionnants à travers l’appui aux centres d’études et de recherches et instituts politiques qui mettent à la disposition des gouvernements et autres acteurs du développement des analyses et recherches de qualité pour la formulation et la mise en œuvre des politiques ainsi que le développement des compétences de milliers de cadres moyens et supérieurs des secteurs économiques à travers l’Afrique. Il est aisé de comprendre par conséquent que toute épidémie survenant avec le risque de décimer les capacités déjà renforcées, en raison du nombre élevé de victimes, constitue une préoccupation majeure pour l’ACBF.
D’après les spécialistes en santé publique, la maladie causée par le virus d’Ebola (EVD) tuerait entre 50 et 90 % de ceux qui l’ont contractée. Les estimations de l’Organisation mondiale de la Santé indiquent que l’épidémie en Afrique de l’Ouest devrait affecter au moins 20 000 personnes dans les pays les plus touchés avant qu’elle soit contenue ; avec un peu de chance dans les 6 prochains mois. Le risque est par conséquent un nombre de victimes potentielles d’environ 10 000 à 18 000 en à peine 8 mois si des mesures plus vigoureuses ne sont prises. Les personnes les plus actives et les mieux formées seraient affectées en majorité.
L’autre conséquence majeure de l’épidémie sur le renforcement des capacités a trait à la résurgence d’attitudes qui pourraient être perçues comme un recul par rapport aux progrès réalisés en matière d’intégration régionale. Au fil des ans, l’ACBF a été au premier rang de la promotion de l’intégration régionale afin de renforcer le commerce intra-africain et améliorer la part du continent dans les échanges mondiaux. Un des principaux domaines où des progrès ont été constatés en matière d’intégration à ce jour est la libre circulation des personnes et des biens, sérieusement menacée par la vague de fermetures des frontières et les interdictions de voyages. La priorité devrait être cependant accordée à la mise en commun des ressources afin de contenir l’épidémie et d’aider à la combattre dans les pays les plus touchés afin d’éviter sa propagation. Il s’y ajoute d’autres inconvénients économiques tels que l’impact négatif sur les investissements directs étrangers. Ebola alimente en réalité une psychose chez les investisseurs qui ont gelé leurs plans destinés aux régions affectées avec des partenaires commerciaux qui annulent les voyages vers les pays africains.
L’autre dimension des capacités de l’épidémie est le constat qu’il reste beaucoup à faire en matière de renforcement des capacités en Afrique, en dépit des efforts déjà réalisés avec le soutien de l’ACBF et d’autres partenaires. Les experts en santé publique conviennent que sans de meilleurs systèmes sanitaires, Ebola sera difficile à contenir. La poussée actuelle en Afrique de l’Ouest a mis davantage en exergue les défis des capacités sanitaires auxquels sont confrontés certains pays africains, tant au plan humain (personnel formé) qu’institutionnel (de bonnes infrastructures sanitaires). La plupart des hôpitaux d’Afrique ne disposent pas d’unités de mise en quarantaine ou de centres de surveillance, malgré le risque sanitaire réel que constitue Ebola. Entre-temps, le coefficient soignant – soigné serait inférieur à la norme de l’Organisation mondiale de la Santé d’1 médecin pour 600 personnes dans la majorité des pays africains.
Les épidémies qui –trop fréquemment– secouent le continent montrent que l’Afrique devrait continuer à investir massivement dans le renforcement des capacités. En réalité, il devient très difficile de mobiliser de l’aide à l’étranger avec une épidémie comportant un risque de contamination si élevé et sans le minimum de capacités institutionnelles pour rendre cette aide efficace.
Investie de la mission de renforcer des capacités durables pour la bonne gouvernance et la gestion du développement en Afrique, l’ACBF ne peut rester indifférente face aux épidémies qui pourraient saper ses objectifs en décimant les capacités déjà constituées.
Par conséquent, la Fondation est prête à accompagner la formulation et la mise en œuvre de politiques pour une atténuation efficace de ces risques majeurs pour le progrès et la transformation économique du continent. Dans le même ordre d’idées, certaines activités ont déjà démarré avec une session spéciale sur Ebola organisée les 24 et 25 octobre 2014, au Swaziland, lors de la dernière réunion du Comité des instituts politiques. Au cours de cette rencontre, il a été convenu que l’ACBF lance des études sur la dimension des capacités de la propagation du virus d’Ebola. La Fondation entend collaborer avec ses partenaires tels que le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Institut monétaire de l’Afrique de l’Ouest (IMAO) et l’Union du fleuve Mano, en vue de mettre sur pied une équipe de gestion de l’action contre Ebola (EMRT) des pays affectés à l’effet d’examiner les domaines d’intervention en rapport au renforcement des capacités.