L’avenir de l’Afrique réside dans son aptitude à générer ses propres financements en vue de développer les infrastructures nécessaires à l’éradication de la pauvreté et la promotion de la transformation économique. En dépit des divers avantages qu’offre le développement des infrastructures, les pays de l’Afrique de l’Ouest et du reste du continent souffrent d’un faible investissement dans le secteur. L’Afrique dispose cependant de l’assise financière permettant d’accompagner l’élaboration et la mise en œuvre d’instruments de financement locaux viables, a estimé le Pr Emmanuel Nnadozie, secrétaire exécutif de la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique, lors d’une récente session de dialogue tenue à Accra, Ghana, et organisée par l’Institut national d’études législatives basé dans la capitale nigériane, Abuja.
Jeunesse et chômage
L’Afrique a une importante population jeune qui pourrait être un dividende ou un problème démographique. Le chômage et la pauvreté constituent des défis majeurs couplés au taux d’urbanisation sans précédent qui n’est porté ni par une révolution verte ni industrielle. Créer deux millions d’emplois par an pour 200 millions de jeunes en Afrique ne peut se réaliser sans une transformation structurelle basée sur une industrialisation massive et une révolution agricole.
« Ni l’industrialisation ni la révolution agricole ne se produiront sans un investissement massif dans les infrastructures – électricité, chemins de fer. Les infrastructures ont été à la base de plus de la moitié de la récente performance de croissance améliorée de l’Afrique et peuvent contribuer encore plus à l’avenir. Leur développement peut accroître le PIB de 2 % et constituer la colonne vertébrale d’une industrialisation rapide qui à son tour renforcera la capacité à générer davantage de ressources locales, » a déclaré le Professeur Nnadozie. « Les Etats africains financent près de 45 milliards de dollars à travers la mobilisation de ressources intérieures et des mécanismes de financement régionaux. Il existe toujours un écart d’environ 48 milliards de dollars par an. »
Approvisionnement en électricité
L’électricité constitue de loin le plus grand défi, 30 pays étant confrontés à des pénuries régulières et beaucoup d’autres paient cher pour l’alimentation de secours. Le défi des infrastructures varie grandement en fonction du type de pays – les Etats fragiles sont confrontés à un poids impossible et ceux dotés de ressources traînent malgré leurs richesses.
Ressources alternatives pour l’Afrique
Bien que l’écart de financement soit énorme et amène l’Afrique à chercher ailleurs, le continent est bien capable de lever des ressources à partir de sources intérieures telles que les fonds de pension, les transferts d’argent de la diaspora, les bénéfices tirés des minéraux et des combustibles minéraux, a estimé le Professeur Nnadozie. Les réserves internationales, les liquidités du secteur bancaire, les fonds d’investissement privés de plus en plus importants et le flux potentiel de la titrisation des envois d’argent offrent des possibilités additionnelles, a-t-il déclaré. La possibilité de lever davantage de ressources intérieures à partir de l’impôt est également grande. Les recettes fiscales par rapport au PIB s’élèvent à 20 % dans certains cas, a-t-il affirmé, estimant « qu’il n’est pas nécessaire d’augmenter les taxes ; mais plutôt améliorer l’administration de l’impôt et élargir l’assiette fiscale. »
Les parlements joueront un rôle crucial
Une bonne partie des infrastructures africaines est financée au plan local, les budgets nationaux étant les principaux catalyseurs des investissements. Compte tenu de ces défis, les parlements d’Afrique de l’Ouest, et en réalité les parlements africains, doivent veiller à avoir des discussions approfondies et examiner les prêts contractés par leurs gouvernements. Selon le secrétaire exécutif, ils ont un rôle à jouer dans la ratification des accords internationaux y compris les prêts alloués aux infrastructures et contrôler efficacement les dépenses de l’exécutif pour un usage optimal des ressources générées au plan interne. « La passation des marchés au sein d’un pays requiert une surveillance de la part du législatif afin de minimiser l’incidence de corruption. C’est là où les fonctions d’organes tels que les commissions parlementaires des comptes publics deviennent essentielles.
« Il faut intensifier les efforts de transformation du Parlement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest afin d’en faire un organe législatif à part entière capable d’exécuter ses fonctions à l’instar du Parlement européen. »
Actuellement, le Parlement de la CEDEAO joue essentiellement le rôle d’organe consultatif dépourvu de pleins pouvoirs législatifs. Il est important que le cadre juridique de l’organe soit révisé afin de le rendre plus pertinent. Il doit inscrire le développement des infrastructures au nombre de ses priorités, notamment les infrastructures transnationales. À cet égard, le Parlement devrait examiner la source et l’utilisation des fonds destinés aux projets de l’organisation régionale. Pour une bonne exécution de ses fonctions en tant qu’institution législative régionale, le Professeur Nnadozie estime qu’il faut renforcer les capacités de ses membres. Les législateurs et les agents qui les assistent doivent avoir des connaissances convenables des enjeux et de la dynamique du financement des infrastructures. Les gouvernements africains doivent également intensifier les efforts afin de garantir la disponibilité des ressources à consacrer aux infrastructures du continent. Entre autres, ils doivent :
- freiner les flux financiers illicites (FFI) à partir de l’Afrique
- augmenter rapidement les avoirs de retraite
- relancer les avoirs des minéraux, les réserves internationales et les envois d’argent de la diaspora
- étendre la mobilisation de l’épargne, l’élargissement de l’assiette fiscale et l’amélioration des marchés des capitaux
- encourager l’épargne intérieure, développer le pool bancaire et approcher l’important secteur informel avec des instruments financiers appropriés.
Pendant 50 ans, le continent s’est tourné vers l’extérieur pour de l’aide destinée à la construction de ses infrastructures. Il n’en a pas beaucoup bénéficié. L’Afrique devrait continuer à rechercher des financements extérieurs mais elle doit se tourner davantage vers elle-même. Même si les financements sont disponibles, l’autre défi important auquel le continent est confronté dans la construction de ces infrastructures reste la pénurie criarde de capacités pour la préparation et la gestion des projets. En sa qualité de première organisation de renforcement des capacités en Afrique, l’ACBF accompagne les efforts des pays africains dans le renforcement et le soutien de ses capacités.
Source - Capacités Afrique