Selon certaines estimations, 95 % de l'agriculture africaine dépend des précipitations, qui deviennent de plus en plus imprévisibles en raison du changement climatique. L'impact du changement climatique a fait comprendre aux agriculteurs d'Afrique que le changement dans les pratiques agricoles est à la fois nécessaire et urgent.
L'Afrique doit maintenant se concentrer à protéger son agriculture contre les effets du changement climatique, en développant l'irrigation et en renforçant ses capacités pour produire des semences et des cultures plus résistantes à la sécheresse.
L'irrigation et l'innovation sont au centre de la mise en place de la sécurité alimentaire et nutritionnelle de l'Afrique.
Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), l’augmentation en fréquence et en intensité des conditions météorologiques extrêmes a réduit la sécurité alimentaire et hydrique, ce qui entrave les efforts visant à atteindre les objectifs de développement durable.
D’après les experts du GIEC, « l'accroissement des événements météorologiques et climatiques extrêmes a plongé des millions de personnes dans une insécurité alimentaire aiguë et réduit la sécurité en matière d'eau, avec les impacts les plus importants observés dans de nombreux endroits et/ou communautés en Afrique, en Asie, en Amérique centrale et du Sud, dans les petites îles et dans l'Arctique ».
En Afrique australe, les scientifiques soulignent que le réchauffement climatique se produit à un rythme deux fois plus rapide que dans le reste de la planète. Certains pays du continent ont récemment été confrontés à des sécheresses récurrentes, et d’autres ont connu les précipitations les plus faibles depuis 40 ans. Cela a eu pour effet de perturber les systèmes de production alimentaire.
Selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), la productivité agricole moyenne des petits exploitants agricoles d'Afrique australe a stagné ou même diminué pour tomber en dessous de deux tonnes métriques par hectare. Pour inverser cette tendance, il faut impérativement engager une transition de l'agriculture traditionnelle vers des méthodes agricoles plus innovantes et durables.
En développant l'irrigation, les pays africains peuvent commencer à fournir à leurs agriculteurs l’appui dont ces derniers ont besoin. Des moyens d'exploitation plus ciblés et durables sont également possibles, même pour les régions les plus durement touchées par la sécheresse.
En juin 2022, la Banque mondiale a annoncé le “Horn of Africa Groundwater for Resilience Project” (Projet des eaux souterraines de la Corne de l'Afrique en vue de la résilience), qui vise à exploiter de manière durable les ressources en eaux souterraines inexploitées de la région. Ce projet comprend la construction de systèmes d'irrigation à petite échelle dans le but de prévenir l'érosion des sols et de barrages de sable dans les lits de rivières asséchés. Les barrages permettent au sol de conserver son humidité pendant les mois les plus secs.
L'ACBF est également prête à fournir un appui aux institutions essentielles telles que les agences de l'eau pour renforcer les capacités nécessaires aux technologies de pointe qui leur permettront de mieux gérer l'utilisation de l'eau.
Une perturbation de l'agriculture a pour corollaire une perturbation des moyens de subsistance et des économies. L'agriculture représente environ 32 % du produit intérieur brut de l'Afrique et emploie plus de 60 % de la main-d'œuvre du continent. Les agriculteurs de subsistance constituent la majorité des agriculteurs en Afrique, et représentent plus de 70 % de la production.
Cela signifie que les interventions en vue de rendre l'agriculture intelligente face aux effets du changement climat doivent être engagées à la base, comme l’a montré la Fondation pour le Renforcement des Capacités en Afrique (ACBF) dans son travail pour soutenir divers petits exploitants agricoles à travers le continent.
Comment l'Afrique peut-elle renforcer sa résilience face aux chocs mondiaux tels que le changement climatique et les conflits ? L'Union africaine a déjà fourni une orientation.
Dans le cadre de la Déclaration de Malabo, les chefs d'État africains ont affirmé que si l'Afrique veut commencer à atténuer l'impact du changement climatique, 25 millions d'agriculteurs doivent, à l’horizon 2025, adopter des systèmes de production résilients par rapport au climat.
L'agriculture intelligente face au climat se concentre sur les principes clés ci-après : diminution des perturbations du sol telle que la réduction des labours, couvert végétal, diversification de la production agricole et sécurité et gestion de l'eau.
Compte tenu de son statut d'agence spécialisée de l'Union africaine pour le renforcement des capacités, l'ACBF a travaillé avec ses partenaires pour renforcer la capacité des institutions africaines et des États membres à renforcer les capacités de recherche.
La Fondation met en œuvre le programme de renforcement du leadership africain pour l'adaptation au climat, dont l'objectif est d'améliorer la performance des organisations travaillant sur l'adaptation au changement climatique en vue de créer un écosystème d'adaptation durable au climat sur le continent africain.
Le programme développera et mettra en œuvre des plans d'amélioration des performances personnalisés pour relever les défis de capacité prioritaires des organisations cibles qui travaillent avec les communautés africaines pauvres et vulnérables en vue de développer des stratégies d'adaptation au climat durables et résilientes.
Cette démarche est un passage obligé si l'Afrique veut résister aux effets du changement climatique sur la production alimentaire à travers le continent.
En 2021, un rapport de la Commission de l'Union africaine intitulé Le secteur des semences en Afrique : état des lieux et plan d'action décennal (2020-2030), a fait l’observation clé ci-après : « Au niveau des exploitations, les rendements doivent augmenter au cas où on voudrait réaliser des excédents destinés au commerce. Les rendements actuels des cultures céréalières de base en Afrique sont faibles et quasi stagnants à environ 1 tonne/ha pour le maïs, contre 4 tonnes/ha dans d'autres régions en développement ».
Le but de ce rapport est d’orienter la politique agricole de l'Afrique.
Le changement climatique a également apporté dans son sillage une nouvelle menace : l’aggravation de la propagation de certaines maladies animales. Dans toute l’Afrique, ces maladies entraînent de lourdes pertes pour les agriculteurs déjà vulnérables, à un moment où le continent cherche les moyens d'améliorer la sécurité alimentaire de sa population. L'une des solutions est la collaboration dans la recherche des mesures tels que le développement des vaccins au plan local et leur distribution.
L'ACBF connaît, de façon pratique, les bénéfices que procurent de telles interventions. Les agriculteurs de nombreuses régions d'Afrique australe et orientale perdent au moins un million de bovins chaque année à cause de l’East Coast Fever (ECF), une maladie transmise par les tiques. En collaboration avec des partenaires, l'ACBF a aidé le Centre des tiques et des maladies transmises par les tiques (CTTBD) au Malawi à être intégré dans les structures de l'Union africaine et à devenir un modèle sur la façon d'améliorer l'accès aux vaccins pour les agriculteurs.