Au nom de la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique (ACBF), je voudrais exprimer le très grand plaisir que j’ai à vous parler aujourd'hui à l’occasion de cet important dialogue entre les partis sur la gouvernance des ressources naturelles en Afrique centrale.
C’est un plaisir immense pour moi que de me joindre à mes distingués collègues afin de vous accueillir à ce dialogue passionnant et très important organisé conjointement par la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique (ACBF) et l'Institut international pour la démocratie et l'assistance électorale (International IDEA).
Ce grand rassemblement atteste et reflète de notre engagement commun à promouvoir et renforcer l'espace de dialogue nécessaire pour informer et conseiller efficacement les décideurs en politiques et transformer l'Afrique. En organisant cet événement, nous, les organisateurs, reconnaissons individuellement et collectivement que l'objectif stratégique de développement inclusif et durable en Afrique, décrit dans l’Agenda 2063 de l'UA et les Objectifs de développement durable (ODD), ne peut être atteint sans un solide cadre démocratique participatif et responsable.
C’est dans ce contexte que nous estimons ce dialogue important et il est le début de nombreuses autres initiatives que nous prévoyons de faire ensemble.
Je tiens donc à remercier International IDEA pour le partenariat et d'autres institutions partenaires pour leur présence ici et en prévision de vos contributions constructives aux discussions et points applicables à retenir.
Mesdames et Messieurs,
Les perceptions sur l'Afrique ont considérablement changé au cours des 20 dernières années. Des termes tels que « l'Afrique en essor », « le continent de l'espoir », « la deuxième région à la croissance la plus rapide », etc. ont été utilisés pour décrire la performance de la croissance économique réalisée par le continent. Cependant, la croissance économique en Afrique a diminué récemment de 5,7 pour cent en 2002 à 4,6 pour cent en 2015 et les prévisions récentes vont plus bas jusqu’à environ 3,8 pour cent.
Bien que nous chérissions le progrès économique important que de nombreux pays africains ont enregistré, ce qui fait du continent la deuxième région à la plus forte croissance au monde après l'Asie, nous reconnaissons également les défis persistants qui entravent le développement inclusif et durable de l'Afrique. Parmi ces problèmes se trouvent des questions urgentes telles que le changement climatique, le chômage des jeunes, des déficits d'infrastructures, la faiblesse des systèmes de gouvernance, la mobilisation des ressources et les lents progrès dans l'intégration régionale.
Bien que ces défis soient liés les uns aux autres d'une manière ou d'une autre, l'absence d’une gouvernance durable, inclusive, transparente et responsable a une implication transversale plus forte sur tous les autres. En l'absence d’une volonté politique, d’un leadership responsable et visionnaire, les pays ne seront pas en mesure de faire avancer leur programme de transformation économique. Ils deviendront plutôt des aires de reproduction pour la corruption, les conflits, l'injustice, l'instabilité politique, la mauvaise gestion des ressources et la pauvreté persistante.
Face à ces défis, le continent a parlé d'une même voix et a démontré une bonne planification à travers sa vision et ses objectifs bien tissés dans l'Agenda 2063 et les Objectifs de développement durable (ODD), une vitrine collective de l'engagement pour la transformation. D'autre part, les faibles capacités de mise en œuvre s’érigent entre des plans impressionnants et leur traduction en transformation économique, sociale et politique que ces plans sont censés apporter. La publication phare annuelle de l’ACBF, le Rapport sur les capacités en Afrique, a démontré que 80 pour cent des pays étudiés en 2015 présentaient un contexte de politiques « très élevé », mais seulement 6,7 pour cent ont enregistré la même note dans la réalisation des résultats de développement. Un tableau similaire a été affiché dans le Rapport 2014.
Les résultats de développement n’apparaissent pas seulement parce que nous avons mis nos rêves sur papier, nous ne pouvons pas être comptés parmi les pays à revenu intermédiaire juste parce que l’énoncé de notre vision le dit. La transformation fondamentale est ce dont nous avons besoin. Le leadership transformatif et la préparation au changement avec les mentalités pertinentes sont des ingrédients importants pour la transformation que nous nous efforçons tous de voir se produire. Des économies structurellement transformées auront la capacité d'entraîner un développement économique stable et durable avec une capacité de lutte contre le chômage des jeunes et, partant, la migration, fournir l'infrastructure nécessaire, traiter de l'inégalité et de l'intégration régionale rapide pour être compétitifs sur le marché mondial. Les Africains ne doivent pas simplement formuler des stratégies pour le développement, mais s’engager à les financer, les mettre en œuvre avec un souci honnête pour les citoyens et démontrer des modèles de leadership éthique, exercer des pratiques de gouvernance solides et avec un vrai sens de la propriété et de la responsabilité envers son peuple. Cela fraiera le chemin de la transformation économique de l'Afrique qui est le plus sûr moyen de faire face aux défis auxquels sont confrontés nos pays. L'Afrique a besoin de transformation non seulement parce que c’est la meilleure façon de créer de la richesse, réduire la pauvreté, minimiser les inégalités, renforcer les capacités de production et améliorer les conditions sociales de son peuple, mais aussi parce qu’elle assure la réalisation du développement durable.
Lorsque nous parlons de transformation pour l'Afrique, nous disons que les pays doivent puiser dans les zones d'avantages concurrentiels et les utiliser au mieux. Grâce à la transformation économique, les pays africains feront en sorte d’utiliser de façon optimale leurs ressources naturelles qui sont épuisables comme base pour leur diversification économique vers l'industrialisation. En outre, dans la mesure où la transformation structurelle favorise le développement industriel, elle élargit donc les moteurs de la croissance, en renforçant la résistance aux chocs des prix des matières premières auxquels les pays africains ont été confrontés récemment.
Mesdames et Messieurs,
Quel est le rôle des ressources naturelles et de la gouvernance des ressources naturelles dans le programme de transformation ? Vous conviendrez avec moi que, en plus d'avoir la plus jeune population, l'Afrique a une énorme dotation en ressources naturelles, détenant plus de la moitié des minéraux rares du monde, 10 pour cent des réserves mondiales de pétrole, 40 pour cent de l'or, 90 pour cent de chrome et de platine, et de vastes terres arables ainsi que des ressources en eau intérieure. Mais cette dotation en ressources naturelles ne signifie rien si elle ne se traduit pas par la transformation économique qui se vive par des gains tangibles pour les citoyens.
Les ressources naturelles dont les pays africains sont dotés ont contribué à la croissance du monde développé, et pourtant le continent a encore une part importante des plus pauvres du monde. En fait, les pays développés tels que les États-Unis, le Canada, l'Australie et les pays scandinaves sont devenus riches et technologiquement avancés grâce à une utilisation judicieuse de leur richesse en ressources naturelles. La richesse en ressources naturelles est un atout de développement réel lorsqu'elle est accompagnée par des investissements dans les compétences et les capacités technologiques et par de bonnes institutions et une bonne gestion macroéconomique.
Cela dit, les revenus provenant des ressources naturelles renouvelables et non-renouvelables auraient pu déjà placer le continent dans une bien meilleure position. Déplorer le passé ne nous sera bénéfique que si nous tirons les leçons des erreurs et que nous nous engageons à mieux faire. Selon le Rapport 2013 de l'ACBF sur les capacités en Afrique portant sur le renforcement des capacités de gestion des ressources naturelles, seuls 6 pays sur les 42 examinés ont montré des transactions très transparentes dans le secteur minier, 4 non transparentes et le reste, assez transparentes. En ce qui concerne spécifiquement les 9 pays d'Afrique centrale sondés, seuls 2 pays ont mis au point une stratégie spécifique pour le secteur minier avec des transactions très transparentes dans ce secteur. Être transparent resserre les mécanismes de contrôle, prévient la corruption et aide les pays à obtenir de meilleures concessions.
Mesdames et Messieurs,
Un certain nombre d'initiatives aux niveaux international, régional et national par les dirigeants africains concernant la gouvernance des ressources naturelles sont encourageantes, et peuvent être considérées comme une indication d'un intérêt véritable de changer les choses. Le Forum de haut niveau sur l'efficacité de l'aide à Busan, en Corée, la Vision africaine des mines, le fonds fiduciaire multi-donateurs pour l'Initiative de transparence des industries extractives (ITIE) et l'attention accordée par l'Agenda 2063 aux ressources naturelles sont une partie des preuves de l'engagement à améliorer la gouvernance. Qu'est-ce qui nous empêche alors d’avancer ?
Tous les défis que nous avons mentionné au point précédent ont un important chaînon manquant : les capacités. En particulier, afin d'exploiter efficacement les meilleurs avantages de nos ressources naturelles, nous avons besoin de capacités de mise en œuvre de nos plans et stratégies de transformation, de capacités institutionnelles et humaines pour la bonne gouvernance, de capacité d'avoir des systèmes transparents et responsables, de capacités de négocier de meilleurs contrats d'extraction, d'améliorer la fiscalité des ressources naturelles et la gestion durable des ressources naturelles. Les capacités de traduire la manne des ressources naturelles en des résultats de développement qui se rapportent à l'utilisation stratégique des revenus des ressources naturelles pour les défis d'aujourd'hui tels que les infrastructures, l'éducation et la santé par rapport à l'épargne pour les générations futures sont un défi capacitaire majeur de gouvernance que nous devons résoudre. Les dimensions capacitaires qui doivent être abordées alors comprennent le développement des compétences immatérielles et matérielles pour les décideurs politiques, le leadership et les techniciens, la mise en place de politiques, stratégies, systèmes et outils, la mise en place des institutions et des structures pertinentes et l'utilisation des TIC dans l'exploration, l'extraction des ressources, l'analyse et le partage des données grâce à l'utilisation des SIG/GPS et des applications pertinentes. Les capacités de tous les acteurs et parties prenantes impliquées dans la chaîne de valeur de l’extraction des ressources naturelles, la transformation, la commercialisation et la gestion des revenus sont d'une importance fondamentale dans la transformation du secteur au profit de la société dans son ensemble. Renforcer ces capacités exige que les décisions de ceux qui ont le pouvoir et la volonté politiques de s’engager, d’où les partis politiques sont essentiels à cet égard.
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de voir autant de représentants de partis politiques venus à Brazzaville en dépit de vos autres priorités actuelles. Ceci reflète la préoccupation croissante concernant la gouvernance des ressources naturelles qui n’arrive pas à produire le potentiel énorme qu'elle a pour la transformation économique du continent. Vu que le potentiel des ressources naturelles pour conférer de grands avantages économiques et stratégiques aux pays africains reçoit plus d'attention que jamais, une société innovante, une approche inclusive et durable à la gouvernance des ressources naturelles devient de plus en plus centrale.
Je ne prétends pas connaître tout ce que les partis politiques doivent faire pour une gouvernance efficace des ressources naturelles. Cependant, j’aimerais souligner certaines des responsabilités les plus importantes que les partis politiques au pouvoir et ceux de l'opposition dans les parlements sont censés respecter. Je suis sûr que vous pouvez les élaborer davantage dans vos discussions au cours de ces 2 jours. Il s’agit de :
• Formuler les politiques appropriées pour orienter l'exécutif dans la gestion des ressources naturelles d'une manière prudente, durable et responsable,
• Mettre en place des institutions appropriées pour superviser la transparence et la responsabilité dans l'utilisation des ressources naturelles,
• S’assurer que la sélection, l'engagement et la négociation des offres d'exploration et d'extraction des ressources naturelles soient à l'avantage total du pays et de ses citoyens,
• S’impliquer dans des engagements transfrontaliers et internationaux qui soient mutuellement bénéfiques
• Promouvoir la participation active et l'appropriation des principes de la Vision minière africaine,
• Assurer l'intégration du secteur des industries extractives dans les économies rurales et les modèles de développement pour les accords de développement communautaire,
• Plaider pour l'amélioration de l'éducation de l'électorat qui aura un impact positif sur la capacité des gens à traiter les informations disponibles et mieux influer sur la gestion des ressources naturelles,
• Suivi des mises en œuvre de contrats,
• Utilisation des revenus générés pour la transformation économique et sociale et surtout,
• Fournir l’appui politique et financier nécessaire pour le renforcement des capacités des partis politiques et des acteurs concernés dans les questions portant sur la gouvernance et la gestion des ressources naturelles. Le succès dans la prestation de la bonne gouvernance des ressources naturelles et l'utilisation efficace des revenus générés sont donc soutenus par une volonté politique, la primauté du droit, le développement d’institutions démocratiques ayant une capacité forte. Une recommandation importante du EICA 2013 est que, pour parvenir à une utilisation optimale et à la gouvernance des ressources naturelles, les pays ont aussi besoin de la paix et de la stabilité politique. Cela implique notamment l’inclusion de divers groupes dans la prise de décision (les femmes et les groupes exclus), et le renforcement de la responsabilité des fonctionnaires publics devant citoyens. Ce dialogue entre les partis est donc conforme à la mise en œuvre de ces recommandations.
Mesdames et Messieurs,
Vu que tout ce qui précède est un reflet des dimensions de la capacité que j'ai souligné plus haut, il est impératif que de tels efforts pour les pays africains de gestion de leur développement en utilisant leurs ressources naturelles soient prises en charge par le renforcement des capacités pertinentes, d'où la vision de l'ACBF d’une « une Afrique capable de gérer son propre développement. » En plus des grandes interventions de renforcement des capacités que l’ACBF a mise en œuvre durant les 25 dernières années en Afrique dans le domaine de la gouvernance des ressources naturelles, notre nouveau plan stratégique pour la période 2017 à 2021 a consacré deux des piliers stratégiques axés sur l’appui aux priorités de développement aux niveaux continental et national. Les deux autres piliers appuient le renforcement des capacités du secteur privé et de la société civile, ainsi que la fourniture aux décideurs politiques et à tous les partenaires des connaissances pertinentes pour le développement efficace. Tous les quatre piliers ont une implication directe dans l'amélioration de la gouvernance des ressources naturelles en Afrique.
Pour conclure, Mesdames et Messieurs, permettez-moi de me référer de nouveau à notre RICA 2013 pour dire qu'il n'y a pas de malédiction inhérente à la dotation en ressources naturelles. Ce sont plutôt les implications de capacités, en particulier au niveau des politiques et de mise en œuvre, qui déterminent la capacité d'obtenir des résultats optimaux. Lorsque les dirigeants politiques se sont engagés au développement national par le biais des ressources naturelles, ils gardent l’œil sur les principes sous-jacents du développement économique durable. L’ACBF, comme institution de coordination des capacités sur le continent, reste déterminée à appuyer les capacités des pays d'Afrique pour des résultats holistiques et efficaces, les capacités de changement et de transformation et les compétences critiques, techniques et sectorielles spécifiques pour la mise en œuvre des capacités requises pour la gestion et la gouvernance des ressources naturelles.
Il est donc très important que les gouvernements africains et les partenaires au développement apportent l’appui politique et financier nécessaire aux institutions de renforcement des capacités telles que l'ACBF dans le cadre de leur mandat de renforcement des capacités à travers le continent. Autrement, les capacités resteront toujours le chaînon manquant dans la résolution des questions aussi importantes que la gouvernance des ressources naturelles sur le continent.
Enfin, je voudrais réaffirmer que notre ferme conviction est que les représentants des pays à cette réunion partageront leurs expériences et les leçons pertinentes et qu’à la fin du dialogue emporteront les bonnes pratiques et les recommandations concrètes en matière de gouvernance des ressources naturelles.
Merci pour votre attention.